Lorsqu’en 1747 les édiles de Balbronn décident de faire l’acquisition d’un orgue, rares sont les localités environnantes qui en sont déjà pourvues : Wangen (depuis 1642), Westhoffen (avant 1667) et Wasselonne (depuis 1736).
Les conseillers entrent d’abord en relation avec Johann Peter Toussaint, facteur d’orgues installé à Westhoffen, qui leur propose un orgue qu’ils jugent trop modeste. Puis les bourgeois représentant les paroisses protestante et catholique vont en février 1747 rencontrer Johann Andreas Silbermann à Strasbourg. A trente-cinq ans, le jeune facteur est déjà très renommé, il vient notamment de livrer l’orgue des Dominicains de Guebwiller, aujourd’hui conservé à Wasselonne, et il va peu après recevoir la commande de son chef-d’oeuvre du Temple-Neuf à Strasbourg. Dans l’atelier du maître, ils optent pour un instrument d’occasion, confectionné en 1725 par Andreas Silbermann, le père de Johann Andreas, pour le couvent de la Toussaint à Strasbourg. Mais le facteur s’inquiète de ce que ce petit instrument soit trop doux pour accompagner les chants de la communauté protestante et il leur déconseille d’acheter cet orgue.
C’est finalement un orgue entièrement neuf qui est commandé le 15 avril 1747, de huit jeux sur un clavier unique de 49 notes (Bourdon 8, Prestant 4, Quinte 2 2/3, Doublette 2, Tierce 1 3/5, Cornet 5 rgs, Fourniture 3 rgs et Cymbale 3 rgs). Même si l’église de Balbronn est alors utilisée par les deux confessions, c’est prioritairement un orgue destiné à l’accompagnement du choral luthérien, avec sa Quinte principalisante et ses six rangs de plein-jeu.
Le prix de l’instrument est fixé à 800 florins, plus dix voitures de bois de chêne et de charme. Six mois plus tard, le mardi 7 novembre 1747, l’orgue est livré à l’église de Balbronn et installé sur une tribune latérale qui devait disparaître au début du XXe siècle. Après une semaine de montage, les jeux sont harmonisés et accordés et l’instrument est achevé le mercredi 22 novembre. En tout, il faut 14 journées de travail pour que l’instrument soit terminé. Le nouvel orgue est inauguré le dimanche 26 novembre par Johann Daniel Silbermann, frère cadet de Johann Andreas, qui est alors l’organiste du Temple-Neuf à Strasbourg. Heureuse époque où entre les premières délibérations et l’achèvement de l’ouvrage il se passe moins d’une année… L’orgue devient rapidement une référence : lorsqu’en 1762 on commande pour Trænheim un orgue à Nicolas Toussaint, celui-ci s’engage à le faire aussi beau que celui de Balbronn. Le buffet, assez sobre avec ses deux tourelles entourant deux plates-faces, s’inspire de celui posé par Andreas Silbermann à Saint-Léonard (1721, aujourd’hui à Ottrott), mais avec la même largeur pour le soubassement et pour l’étage de la tuyauterie. Le même dessin de façade avait semble-t-il déjà servi en 1746 à Bischoffsheim et sera réutilisé en 1751 à Muttersholtz et probablement à Scherwiller en 1759. Ce modèle a donc servi au moins quatre fois, mais le buffet de Balbronn est le seul qui soit entièrement conservé.
Réparé en 1800 «pour l’usage des fêtes républicaines», l’instrument survit à la Révolution française. En 1828, Joseph Stiehr remplace la Tierce 1 3/5 par un Salicional 8, plus dans l’esprit du temps. En 1861 c’est la Cymbale 3 rgs, «registre trop bruyant», que remplacent par une Flûte 4 les frères Ferdinand et Xavier Stiehr. En 1883 le buffet est reculé sur la tribune latérale par Heinrich Koulen.
Mais
c’est en 1908 qu’interviennent les
transformations les plus importantes : dans le cadre de la
restauration intérieure de l’église, l’orgue est reconstruit
par les frères Link, facteurs wurtembergeois établis à
Giengen-an-der-Brenz, qui en font leur opus 485, un instrument de 12
jeux sur deux claviers et pédale, avec une traction pneumatique.
Seul le buffet et quelques dizaines de tuyaux de Silbermann sont
réutilisés, mais pour des raisons d’économie, beaucoup de tuyaux
d’occasion sont intégrés, provenant de la facture d’Allemagne
du Sud des XVIIIe et XIXe siècles. Les tuyaux de
façade en
étain – peut-être encore ceux de Silbermann – sont
réquisitionnés en 1917 par l’administration allemande et
remplacés ultérieurement en zinc. Un ventilateur électrique est
ajouté en 1928 par Georges Schwenkedel. La palette sonore très
romantique est remaniée en 1960 par Ernest Muhleisen, qui remplace
trois jeux par des timbres plus néo-classiques tout en supprimant la
boîte expressive du clavier de récit.
Grand-orgue (56 notes C-g''') | Récit (56 notes C-g''') | Pédale (27 notes C-d') |
Prinzipal 8' | Flöte 8' | Subbaß 16' |
Gedeckt 8' | Salicional 8' | Flöte 8' |
Oktav 4' | Flöte 4' | |
Doublette 2' | Nasard 2'2/3 | I/P II/P |
Cornett 3-4 rgs | Quarte de nasard 2' | II/I en 16', 8', 4' |
A la fin du XXe siècle, l’orgue de Balbronn est agonisant, traversé de fuites et rongé par les vers à bois. Au moment même où le buffet est classé au titre des Monuments historiques, par arrêté du 3 juin 1998, l’orgue est supplanté par un instrument électronique. Mais dès 2002, il est provisoirement remis en état de jeu pour un mariage. A partir de là, il est occasionnellement joué les dimanches et fêtes.
Défendue par le pasteur
René Gerber et par Eddy
Schimberlé, président du conseil presbytéral, l’idée de
restaurer l’orgue Silbermann fait peu à peu son chemin dans les
esprits. Un avant-projet de restauration est rédigé en 2006 par
Christian Lutz, technicien-conseil auprès des Monuments historiques
et organiste paroissial.
Même s’il s’agit plus d’une reconstruction que d’une restauration au sens strict, le projet prévoit la restitution fidèle de la composition de l’orgue Silbermann au clavier principal, où les 78 tuyaux de 1747 retrouvent leur place originelle, après reclassement et restauration, ainsi que leur diapason initial, un ton plus bas que le diapason moderne.
Mais l’usage de l’orgue a évolué depuis le milieu du XVIIIe siècle, il ne s’agit plus seulement d’accompagner le chant d’assemblée, il faut aussi pouvoir justifier un tel investissement par une utilisation plus large, culturelle et pédagogique. Pour cela, il a été décidé d’adjoindre un clavier secondaire de huit jeux dans une esthétique sud-allemande, placé derrière le buffet ancien, et une pédale indépendante de trois jeux, en réutilisant le maximum de tuyaux d’occasion apportés par Link, voire de Link lui-même pour certains tuyaux de bois.
La commune de Balbronn, propriétaire de l’instrument, accepte d’assurer la maîtrise d’ouvrage de l’opération. Le 28 mai 2009, la Commission des orgues non protégés du Ministère de la Culture à Paris, juste avant sa dissolution, approuve le projet. Suite à cet avis favorable, une consultation des entreprises est lancée au printemps 2011. Quatre facteurs d’orgues y répondent et c’est Jean-Christian Guerrier, de Willer (68), qui est choisi. Le démontage de l’orgue commence le 20 juin 2013 et il faut près de trois ans pour que le nouvel instrument soit achevé, compte tenu d’une interruption de chantier due aux travaux de restauration intérieure de l’édifice.
Positif intérieur (49 notes C-c''') | Grand-orgue (49 notes C-c''') | Pédale (27 notes C-d') |
Gedact 8' | Bourdon 8' | Subbass 16' |
Flauto douce 8' | Prestant 4' | Octavbass 8' |
Viola di Gamba 8' | Quinte 2'2/3 | Posaune 8' |
Flaut 4' | Doublette 2' | |
Nasat 3' | Tierce 1'3/5 | Accouplement II/I à tiroir |
Octav 2' | Cornet V (à partir de c') | Tirasse I en 8' et 4' |
Quint 1'1/3 |
Fourniture III rgs | Tirasse II |
Fagott 8' (Bass) C-c' |
Cimpal III rgs | |
Trompet 8' (Diskant) cs'-c''' |
Tremblant |